Ah les transports en commun à Buenos Aires !
Un monde en soi, que nous ne résistons pas à partager avec vous, et en
particulier avec nos amis spécialistes des transports publics parisiens, qui se
demanderont peut-être à la fin de ce message : « mais pourquoi les
Franciliens râlent-ils autant ? ».
Lorsque l’on découvre le système de transports en
commun à Buenos Aires pour la première fois, deux types de réactions sont
possibles : rire, ou pleurer. Question de tempérament. Nous avons choisi
d’en rire, mais c’est vrai que nous sommes ici en vacances et de notre plein
gré, donc pas franchement stressés…
Le système de transports en commun de Buenos Aires
se compose en effet de 2 types de transports principaux :
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Le métro (appelé « subte »)
-
Le bus (appelé « colectivo » ou
« bondi » en argot local)
Le métro
Quand on apprend qu’il y a un métro à Buenos
Aires, notre réflexe d’habitants des grandes villes est de se dire « nickel,
ça va être facile et rapide ».
No, no, no….
Ici le métro est composé de 5 lignes et demie (la
dernière n’est pas encore achevée) pour une ville de quinze millions
d’habitants. Par comparaison, le métro parisien compte 16 lignes de métro (en
comptant les lignes « bis ») et 5 lignes de RER pour une aire urbaine
de 12 millions d’habitants. Autre détail qui a son importance, la fréquence de
passage des rames est de 4 à 10 minutes à Buenos Aires, ce qui laisse le temps
de rassembler un maximum de personnes sur les quais aux heures de pointes, pour
le plus grand bonheur des « agoraphiles » et des pickpockets.
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Plan du métro de Buenos Aires |
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Mais la grande spécificité du métro portègne
consiste en la quasi-absence de correspondances entre les lignes. Trop facile
sinon ! Les 4 lignes les plus longues (A, B, D et E) sont parallèles les
unes aux autres et convergent en fin de parcours à l’extrémité Est de la ville,
qui est aussi le centre politique : la Plaza de Mayo, et l’Avenue du 9
Juillet. Et justement dans ce secteur se trouve la ligne C, seule ligne de
métro qui coupe les autres, et permet d’effectuer des
« correspondances ». Bref, si on devait faire une comparaison, ce
serait un peu comme les lignes de RER en région parisienne, où il est
nécessaire de passer par Paris pour changer de RER. Et encore, à Buenos Aires
il faut bien souvent sortir de la bouche du métro d’une ligne, faire quelques
pas dans la rue, pour rentrer ensuite dans celle de l’autre ligne convoitée (et
repayer un ticket à l’occasion).
Enfin, la dernière ligne en construction, la ligne
H, permet de relier les lignes E, A et B entre elles dans un secteur un peu
plus éloigné que le centre politique. A terme, cette ligne doit également
relier la ligne D.
Ceci dit, le métro portègne a aussi son
charme : la ligne A par exemple est encore composée de nombreuses rames
datant de sa construction en 1913. Bien que souvent taguées à l’extérieur, ces
rames toutes en bois et aux lumières tamisées donnent le sentiment d’effectuer
un voyage dans le temps, et auront de quoi réjouir les amateurs d’antiquités.
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Rame de la ligne A |
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Intérieur d'une rame de la ligne A |
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Intérieur d'une rame de la ligne A |
En plus ce qu'il y a de bien dans ces rames, c'est que l'ouverture des portes est manuelle, et elle peut être activée n'importe quand, même lorsque la rame est en mouvement. Donc si votre voisin vous gêne, vous pouvez toujours le jeter sur les voies entre deux stations. Ni vu, ni connu !
Allez, une mini-vidéo pour les "ferrovipathes" brûlants de voir la rame en action (mais pas de voisin jeté, hein) :
Le bus
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Bus à Buenos Aires |
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Les bus, appelés « bondis » en lunfardo
(argot local), portent assez bien leur nom puisqu’ils sont en général bondés. A
Buenos Aires, le bus est vraiment LE système de transport en commun le plus
pratique et le plus utilisé : on recense une centaine de lignes qui
permettent d’aller à peu près partout, et qui fonctionnent 24h sur 24,
contrairement au métro qui ferme dès 22H30, et ce même les week-ends. Et dans une
cité où la vie nocturne est aussi intense et tardive que Buenos Aires, cela
représente un gros handicap. Le bus est aussi plus économique que le
métro : il faut compter environ 1,20 peso par trajet, contre 2,5 peso pour
le métro. Bref, vous l’aurez compris, difficile d’échapper au bus pour se
déplacer à Buenos Aires.
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Porteños faisant la queue pour le bus |
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Porteños faisant la queue pour le bus |
Les Porteños font également preuve d’une grande
civilité dans le bus, qui gagnerait à être exportée, même si cette civilité
s’arrête sans explication aux portes du métro (on y retrouve l’ambiance
« chacun pour sa peau » du réseau francilien). Tout d’abord, on
n’attend pas le bus n’importe comment. Que no ! Ici on fait la queue, et
on respecte bien l’ordre d’arrivée. Et surtout, on laisse passer et on cède
spontanément son siège aux personnes âgées, femmes enceintes, enfants. Enfin,
PERSONNE ne fraude. Pas de malappris ici !
Théoriquement, les bus sont accessibles aux
personnes à mobilité réduite (usarios con movilidad reducida), et notamment aux handicapés.
Ils arborent tous
fièrement le symbole handicapé, présentent des emplacements réservés au centre
du véhicule, et un petit schéma près de la porte explique comment utiliser la
rampe pour monter et descendre du bus :
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schéma d'accès au bus pour les fauteuils roulants |
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trottoir portègne |
Comme vous le voyez, le déploiement de la rampe
est manuel, donc de toute façon quelqu'un se déplaçant en fauteuil roulant seul ne peut pas prendre le bus. Et quand en plus le bus ne s'arrête pas au bord du trottoir mais au milieu de la chaussée, c'est assez dissuasif...
Cela dit, se déplacer à Buenos Aires en fauteuil
roulant relève du défi, étant donné l’état des trottoirs. Nous n’avons d’ailleurs
jamais croisé de personne en fauteuil roulant, et encore moins dans le bus.
Plus économique, plus pratique (horaire,
desserte), prendre le bus à Buenos Aires présente quand même son lot de
difficultés, en particulier quand on vient de débarquer dans cette ville :
1- Identifier l’arrêt de bus : ici
les arrêts ne sont pas toujours signalés par des signes distinctifs (panneaux,
sans parler des stations, plus rares encore). Bien souvent, une simple
étiquette portant le numéro du bus collée sur un poteau, un lampadaire, un feu
tricolore ou encore un arbre fait office d’arrêt. Cela peut dérouter au départ,
mais l’on apprend vite à repérer les arrêts.
2- Trouver l’arrêt de bus. Là, on rentre
dans la nuance. En réalité, outre l’identification « physique » de
l’arrêt, il s’agit aussi d’être capable de repérer dans quelle partie de la rue
l’arrêt se trouve. Pour comprendre cela, il faut savoir qu’il n’existe pas de
carte du réseau de bus à Buenos Aires. Les bus sont simplement recensés dans la
« Guia T », qui est un guide de Buenos Aires présentant un index des
rues, des bus, et des cartes des différents quartiers de la ville. Dans l’index
des bus, les itinéraires de chaque bus sont listés rue par rue les uns à la suite des autres,
dans le sens aller et le sens retour, ce qui donne ceci :
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Liste des arrêts du bus n°42 dans la Guia T |
Ha, là je sens avec cette photo que vous comprenez
mieux de quoi il retourne. Alors comment ça marche : les noms des arrêts
sont en réalité des noms de rues. Et comme les rues sont souvent TRES longues à
Buenos Aires, la portion de la rue concernée est indiquée par des numéros. Par exemple,
« Juramento 1000-1700 » signifie que le bus passe dans la rue
Juramento, entre les numéros 1000 et 1700. Ca laisse de la marge, hein ?
Bon, en regardant le nom de l’arrêt (donc de la rue) suivant, on sait à peu
près le trajet du bus, donc en se dirigeant vers le croisement avec la
prochaine rue empruntée, on est à peu près sûrs de tomber à un moment ou un
autre sur l’arrêt de bus convoité.
Mais sans carte du réseau de bus, comment sait-on
quel bus il faut prendre en premier lieu, si personne ne nous l’a dit ?
Alors là c’est l’autre beauté de la Guia T : les portions de
plans de la ville par quartier sont quadrillés, et pour chaque carreau, est
indiqué sur la page suivante le numéro des bus qui passent :
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Plan de quartier et bus correspondants |
Donc il faut regarder quels sont les numéros de
bus passant dans le carreau d’où on part et dans le carreau où l’on souhaite
arriver (généralement sur une autre page), et comparer pour voir s’il y a des
numéros communs. Et s’il n’y en a pas, il faut trouver un bus qui se rapproche
le plus, et éventuellement un second bus pour finir le trajet. Une vraie partie
plaisir.
Heureusement, la ville a mis en place un site
Internet qui permet de trouver toutes les combinaisons et les arrêts en
fonction de son point de départ et d’arrivée. Merci Internet !
3- Attirer l’attention du chauffeur :
ça y est, vous avez trouvé votre arrêt, vous faites gentiment la queue, et là
pas de chance, le bus ne s’arrête pas… héhéhé. Ben oui, si vous ne faites pas
signe au chauffeur de manière ostensible, il n’a pas de raison de s’arrêter,
car un bus, c’est fait pour rouler ici, et vite.
4- Monter dans le bus assez vite : le
bus s’est arrêté, vous l’avez attendu un temps plus ou moins long, et là le
chauffeur vous dit d’un ton peu amène de vous dépêcher de monter… c’est normal.
Une fois encore, un bus c’est fait pour rouler. C’est pas si compliqué à
comprendre quand même ! Du coup, à peine le pied posé sur la première marche, le chauffeur démarre.
5-
Payer :
le prix des trajets en bus varie en fonction de la destination. Il faut donc
indiquer au chauffeur sa destination (ou son tarif si on le connaît, mais le
chauffeur pourra vérifier que vous ne vous êtes pas trompé en vous demandant votre
destination), c’est-à-dire le nom de l’arrêt où vous comptez descendre. Pour
payer, deux possibilités : en pièces ou avec une carte rechargeable
appelée Sube. La deuxième solution est largement préférable pour deux raisons :
le trajet revient moins cher (1,2 à 2 pesos contre 2 à 4 pesos avec des
pièces), et surtout, il faut faire l’appoint et les pièces de monnaie sont
rares dans ce pays.
6- Repérer où descendre : ça paraît
évident, mais là encore c’est un défi les premières fois car les arrêts ne sont
pas indiqués ni annoncés dans les bus (petit pincement nostalgique en pensant
aux panneaux lumineux dans les bus français). Il faut donc suivre attentivement
le trajet du bus en lisant le nom des rues empruntées, pour savoir où l’on est,
et donc où et quand descendre. Pas toujours facile quand : 1) les noms des
rues ne sont pas toujours indiqués, et quand ils le sont, c’est généralement
sur un seul coin du croisement avec une autre rue, 2) le bus est bondé et qu’il
est difficile de regarder dehors, tenir debout et tenir le plan, 3) il pleut et
que la buée empêche de voir dehors, 4) il fait nuit et on ne voit rien ni dans
le bus ni dehors…
Enfin, un petit détail qui a son importance :
les bus ne suivent généralement pas exactement le même trajet à l’aller et au
retour, car de nombreuses rues sont à sens unique. Donc rebelote pour la
recherche des arrêts au retour…
Pour résumer, prendre les transports à Buenos
Aires, c’est :
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Savoir lire une carte (même quand elles sont orientées avec l'ouest en haut - donc pas le nord - ce qui est très perturbant dans la Guia T) ;
-
Avoir une bonne vue ;
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Avoir un bon équilibre ;
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Prévoir au moins 1h par trajet.
Quel que soit le mode de transport choisi, un
maître mot : la patience.
Cela dit, même avec leurs défauts, on ne peut pas
se passer des transports en commun à Buenos Aires tant la ville est gigantesque
(203 km² contre 105 km² pour Paris), et on est bien contents qu’il y ait des
bus toute la nuit. Et puis les bus permettent de connaître et de se repérer
plus facilement dans la ville, car ils nous forcent à regarder une carte.