vendredi 22 février 2013

Le glacier Perito Moreno (Sud de la Patagonie 2/3)

Maintenant que vous savez tout sur les charmes d'El Calafate, il est temps d'attaquer le cœur de notre voyage dans le sud de la Patagonie : le parc national des glaciers ! Commençons donc par la partie sud, avec le Perito Moreno. La partie nord avec El Chalten et le Fitz Roy vous sera relatée dans un prochain article.

Le parc national des glaciers

Le parc national des glaciers a été créé en 1937, et est inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1981. Avec ses 350 km du nord au sud et ses 50 km d'est en ouest, le parc couvre une surface de 600 000 hectares et englobe de nombreux glaciers, tous issus du Hielos continentales, un gigantesque glacier de 500 km de long à cheval entre l'Argentine et le Chili. Ces glaciers aboutissent dans deux grands lacs qui participent à la beauté du parc : le lago argentino et le lago viedma.

Carte du parc (cliquer pour agrandir)
Les glaciers les plus connus sont : Perito Moreno, Upsala (le plus large), Spegazzini (accessible seulement par voie lacustre), Agassiz, Mayo, Onelli, qui aboutissent dans le lac argentino; et le glacier Viedma, qui alimente le lac viedma.


Trekkers commençant leur ascension
Pour notre part, après avoir demandé conseils autour de nous, nous avons décidé de nous concentrer sur le Perito Moreno, glacier le plus majestueux et le plus accessible : pas besoin de faire 5 jours de trek dans le froid et la neige pour profiter de sa beauté. On est en vacances quand même, pas en stage de survie ! Et pas question de se faire une entorse, ou pire : de perdre des orteils nécrosés par le froid. Notre projet c'est le tango, pas l'andinisme (ndlr : on est ans les Andes ici, pas dans les Alpes).



Dans la partie sud du parc national des glaciers, c'est-à-dire côté Lago argentino, l'entrée est payante et valable une journée seulement. Toutes les activités sont encadrées par des prestateurs de services ou agences de voyage, qui apportent confort et sécurité. Par contre côté sentiment de liberté, c'est raté. De quoi nous conforter encore dans notre choix de ne rester qu'une seule journée de ce côté du parc pour aller voir le glacier Perito Moreno, avant de partir plusieurs jours "à l'aventure" dans la partie nord du parc à El Chalten.

ticket d'entrée du parc national des glaciers (tarif touriste)

Le glacier Perito Moreno


Le glacier Perito Moreno sait se faire désirer : une fois franchie l'entrée du parc, il faut encore parcourir 30 km en voiture pour l'atteindre. Mais le spectacle est à couper le souffle : dans un paysage de vallées boisées de faible altitude, se dévoile un véritable rempart de glace bleuté flottant sur les eaux au bleu insaisissable du lac argentino.Sur place, les couleurs changent sans cesse au rythme des déplacements des nuages inlassablement poussés par le vent. L'instabilité de la météo participe à la magie du voyage.

Glacier Perito Moreno vu du bras sud du lac argentino (brazo rico. Merci à l'amie qui nous accompagnait avec son appareil photo et son superbe mode panoramique)

Certains le qualifient de "monstre de glace" en raison de ses impressionnantes mensurations : 5 km de large, 15 km de long, et 174 mètres de hauteur, dont 60 mètres au-dessus du niveau du lac argentino, le reste étant immergé. Sa superficie est estimée équivalente à celle de la ville de Buenos Aires !





Le glacier a été baptisé en hommage à Francisco Moreno, directeur du musée de la Sociedad Cientifica argentina et explorateur qui a étudié la Patagonie au XIXème siècle et qui a joué un rôle clé dans la délimitation du territoire argentin face au Chili.


On peut apprécier sa beauté à partir d'un circuit de passerelles construites face à lui dans la végétation sur la Peninsula Magallanes (péninsule de Magellan), et qui offrent une vue imprenable sur les deux bras du lac argentino. Ces passerelles permettent en outre de s'approcher jusqu'à 300 m du glacier. Autant dire que l'air y est vif !









On peut également s'offrir une petite balade d'1h en bateau pour approcher le monstre de plus près et se rendre compte de l'imposante hauteur du mur de glace qui marque la fin du lac argentino. La balade permet aussi de découvrir les incessants craquements et grondements sourds du glacier qui se répercutent à l'infini contre les montagnes car le Perito Moreno est l'un des glaciers les plus vivants au monde. Alors que la plupart des glaciers sont en recul, le Perito Moreno avance de 2 m par jour en son centre, et de 70 cm sur les côtés. Il change ainsi sans cesse de forme, se déplace, avance à un endroit, recule à un autre. En contact avec l'eau du lac argentino et sous l'effet de la chaleur du soleil, le mur de glace change lui aussi sans cesse d'aspect et voit régulièrement s'effondrer des blocs de glace dans un bruit à la fois sourd et fracassant, troublant soudainement les eaux calmes du lac et laissant à la dérive de petits icebergs.


petits icebergs à la dérive

petits icebergs à la dérive


Il arrive aussi régulièrement que la glace atteigne la péninsule de Magellan, bloquant la communication entre les deux bras du lac argentino. L'eau s'accumulant dans le Brazo Rico commence alors son travail d'érosion et creuse la glace jusqu'à créer un pont. De plus en plus fragilisée par l'eau et le soleil, cette digue naturelle finit par se rompre dans un bruit fracassant. Ce phénomène appelé la "rupture" se produirait tous les 4 ans environs. Lorsque nous sommes passés, il avait malheureusement déjà eu lieu.

bras de glace du Perito Moreno avançant vers la péninsule de Magellan

lundi 18 février 2013

El Calafate (Sud de la Patagonie 1/3)

Le mois de février et la visite de nos proches a représenté l'occasion de partir à l'aventure pour découvrir le parc national des glaciers, situé dans le sud de la Patagonie. Après avoir un peu hésité au début sur notre destination, nous avons finalement opté pour cette région afin de tirer le meilleur parti de la météo. Le mois de février dans l'hémisphère sud étant en effet l'équivalent du mois d'août dans l'hémisphère nord, nous avons ainsi fui la chaleur étouffante de Buenos Aires pour profiter de la fraîcheur du sud de la Patagonie, tout en bénéficiant quand même de températures agréables pour visiter les glaciers (à cette époque de l'année, le thermomètre peut atteindre la barre des 20 degrés).

Sacs au dos, nous avons donc pris l'avion, direction El Calafate, à 2700 km au sud de Buenos Aires. Le choix entre l'avion et le bus a été vite fait étant donné le temps de trajet : 7h d'avion aller-retour contre 4 jours de bus (sur une semaine de voyage ça compte), et l'écart de prix de plus en plus faible entre les deux modes de transport.
Une fois sur place, nous avons loué une voiture afin d'être entièrement maîtres de nos déplacements et de notre temps.


El Calafate


Située à 50 km du parc national des glaciers, El Calafate, est la "grosse ville" du coin. Simple village de pionniers en 1927, la ville s'est fortement développée avec le tourisme, en particulier depuis 2001 avec la construction d'un nouvel aéroport et le goudronnage de la route menant aux glaciers. Elle compte aujourd'hui pléthore d'hôtels, de restaurants, d'agences de voyage proposant des excursions plus ou moins sportives, et de boutiques de souvenirs. Les constructions sont majoritairement basses et en rondins de bois, ce qui donne à l'ensemble un air de station de ski bien que la ville ne soit qu'à 200 m au-dessus du niveau de la mer.
Soulignons quand même la présence d'un casino, dont le style dénote dans le paysage.
Malheureusement je m'aperçois que nous n'avons pas pris de photos de la ville, tellement nous étions à la recherche de la nature !!!

D'où la ville tire-t-elle son nom ?

Avant l'arrivée des "blancs", la ville avait été nommée "Kehek aike" par les indiens Tehuelches (aussi appelés "aonikenk" ou "Patagons" par les Européens qui leur trouvaient de grands pieds. Passons...). "Kehek aike" signifierait "lieu de dépôt d'artefact et de biens humains" en référence au transport et à l'approvisionnement de laine de Guanacos (nom des lamas dans cette partie de l'Amérique latine) par les Indiens.

Baies de Calafate
Depuis l'arrivée des Européens, la ville doit son nom à un arbuste épineux à fleurs jaunes et baies noires caractéristique du sud de la Patagonie : le Berberis microphylla. A l'origine, cette baie, proche de la myrtille, était utilisée pour "calfater", c'est-à-dire rendre étanche les coques des bateaux des premiers arrivants.
Aujourd'hui, ces baies sont utilisées pour faire de la confiture, de la glace, ou encore des infusions proposées en souvenirs aux touristes. J'insiste sur ce point car notre séjour a été l'occasion de constater que le Calafate n'est pas consommé par les locaux : impossible d'en trouver ailleurs que dans les boutiques de souvenirs, et les tenanciers des hôtels nous ont regardé avec un sourire amusé lorsque nous leur avons demandé s'il y avait de la confiture de calafate au petit déjeuner... Qui irait manger du mastic, me demanderez-vous ?
Nous avons malgré tout acheté un mini-pot de confiture pour satisfaire notre curiosité : cela ressemble étrangement à de la confiture de pruneau !  Rien d'exceptionnel en tout cas.

La laguna Nimez


La ville d'El Calafate est située au bord du "lago argentino", qui constitue avec ses 1560 km² le 3ème plus grand lac d'Amérique latine et le premier d'Argentine. Alimentées par la fonte des glaciers, les eaux du lago argentino sont d'un très beau bleu laiteux qui tranche singulièrement avec les rives et la steppe patagonne composée de buissons sombres, bas et épineux, battus inlassablement par des vents violents et glacés.
Une réserve écologique a été créée par la municipalité d'El Calafate dans la lagune Nimez, qui borde le lac. L'entrée est payante mais bon marché, et permet d'aller se balader 1h30 dans la lagune pour observer les nombreuses espèces d'oiseaux qui y nichent, notamment des flamants roses. Malheureusement nous n'avons pas pu approcher ces derniers car ils s'étaient réfugiés dans la partie partiellement inondée de la lagune.
Au crépuscule, la lumière et les camaïeux de bleu entre la lagune, le lac et le ciel sont un régal pour les yeux.

La laguna Nimez et El Calafate au fond


Quelques flamants roses au fond à gauche



Le Glaciarium


Séjourner à El Calafate est aussi l'occasion de visiter le "Glaciarium" ou "museo del Hielo Patagonico" (musée des glaciers patagons), situé un peu dehors de la ville. Sur 60 000 m², le musée comporte 3 pavillons, un auditorium et un café construit en glace, "el bar de hielo" où l'on peut s'offrir un verre enveloppés dans des couvertures de survie sous réserve de s'être d'abord acquitté d'un ticket d'entrée au prix assez élevé.

Le Glaciarium

la photo n'est pas de nous car nous ne sommes pas allés au bar de glace


L'exposition se veut à la fois technique et grand public. Elle combine ainsi de nombreux panneaux relatifs à la formation et à la composition des glaciers, de nombreuses photos des glaciers patagons et d'autres régions du monde, ainsi que plusieurs petits films en espagnol et en anglais sur l'histoire de l'exploration des glaciers et l'évolution de la terre. On aurait aimé cependant que les explications techniques assez rébarbatives et truffées de chiffres sur les glaciers soient reprises dans un film, afin de les rendre plus digestes.
La visite se termine par un montage audiovisuel intitulé "il est moins 5" destiné à faire prendre conscience de l'impact négatif et destructeur des activités humaines sur les glaciers. Aucune solution n'est proposée à la fin du montage pour enrayer le phénomène...

Punta Walichu


A 7 km au nord-est d'El Calafate se trouvent quelques grottes connues pour leurs peintures rupestres laissées par les Indiens Tehuelches. D'après le Guide du routard, ces peintures auraient plus de 10 000 ans. Néanmoins la tenancière de notre hôtel nous a déconseillé leur visite car les peintures seraient "fausses". Elles ne sont d'ailleurs pas mentionnées dans le Lonely Planet. Faute de temps, nous avons donc laissé tomber. Le mystère reste entier.

Une spécialité locale : le chocolat


Enfin, une dernière chose à souligner sur El Calafate : la fabrication de chocolat, dont la ville est très fière. Comme toujours en Argentine, il s'agit surtout de chocolat au lait, le chocolat noir étant plus rare et surtout extrêmement sucré. Nous avons donc goûté le chocolat au lait : aussi médiocre que le chocolat noir. Même avec la meilleure volonté du monde, nous n'avons pas été conquis. Cette fois c'est confirmé : l'Argentine n'est pas le pays du chocolat.

Le "Camerum", un gâteau très "borderline"

En passant devant la vitrine d'une des pâtisseries de notre quartier, nous avons été stupéfaits de découvrir un petit gâteau au chocolat appelé "Camerum" (= Cameroun, mais avec un faute d'orthographe car cela devrait être "Camerun" en espagnol) représentant une tête de noir portant tous les stéréotypes du temps de la colonisation : gros yeux exorbités, grosses lèvres roses....

On imagine le scandale en France si de tels gâteaux étaient vendus dans les boulangeries. Mais en Argentine visiblement ce n'est pas un problème. Il faut dire qu'il y a très peu de personnes noires dans le pays, et donc une force de protestation potentielle très faible.

Voici quelques photos de ce gâteau, qui se passent de tout commentaire :





Inversons un moment la perspective et imaginons un gâteau appelé "Suède" ou "Allemagne", ou encore "France" vendu dans un pays d'Afrique comme le Kenya, l'Ethiopie ou encore le Congo, qui représenterait une tête de blanc avec de gros yeux bleus délavés, un grand nez un peu rouge et des cheveux jaune paille. Pas très agréable, non ?